Votre Majesté,
Comme vous l’avez demandé, je me permets de vous adresser un compte-rendu de notre visite des contrées de notre Grand Empire. J’espère réussir transcrire dignement nos agissements et mon ressenti, afin de pouvoir répondre à vos nobles exigences.
Notre chemin nous a menés sur les terres de l’Empire gérées par le Glorieux Clan du Lion, dans un petit village de la seigneurie d’Akodo Tezuka. Je ne peux que féliciter les paysans de leur prévenance pour accueillir sa majesté Seppun Yukihime et nos personnes à la mesure de leurs modestes moyens et même au-delà.
Il s’est vite avéré que cette population était sous la menace d’une bande de brigands qui commettaient leurs exactions en saccageant leurs maigres possessions, mais aussi en tuant lâchement des villageois. La supplique des habitants pour que nous leur venions en aide ne pouvait pas ne pas être entendue.
Avec l’approbation, bien naturellement, de sa majesté Seppun Yukihime, nous avons traqué ces bandits, avons contré leur attaque du village et leur tentative d’incendier les dernières réserves des paysans, avons libéré les habitants qui venaient d’être enlevés par ces mécréants, qui ne reculaient devant aucun acte vil et indigne. Mes compagnons d’armes ont su agir avec valeur lors de ces affrontements, afin de faire valoir la justice de l’Empire.
La question qui restait en suspens était la raison exacte qui se dissimulait derrière cette volonté morbide de rendre la vie impossible aux villageois. Il s’est avéré que le doyen du village avait jadis fait une promesse à feu l’ancien Daimyo, père de l’actuel seigneur Akodo Tezuka. Cette promesse stipulait que jamais ce village ne devait se dépeupler. Cela relevait visiblement d’un antique devoir concernant ce lieu, que l’ancien Daimyo avait eu la sagesse de vouloir faire respecter. De toute évidence, les brigands voulaient chasser les villageois de leurs foyers, afin de s’approprier un énigmatique trésor légendaire, dont la portée devait probablement leur échapper.
Mais les brigands s’étaient visiblement évaporés, désertant même leur cache secrète que nous avions réussi à débusquer.
Une autre surprise nous a attendus, par la présence du seigneur Akodo Tezuka et de son escorte militaire. Il avait décidé d’évacuer le village menacé, bien qu’il fût avisé de la promesse obtenue par son défunt père auprès des villageois. Ceux-ci ne pouvaient évidemment qu’obéir au maître des lieux, et nous même ne pouvions le contredire sans faire preuve de déshonneur, chose impensable.
Comment traduire ce qui s’est produit par la suite ? La chose est tellement effarante que mon cœur a encore du mal à accepter ce que mon esprit s’est efforcé d’analyser. En effet, profitant de la nuit pour masquer ces noirs desseins, le seigneur Akodo Tezuka a ordonné à ses soldats – en fait les mercenaires qui passaient aussi pour des brigands – de tous nous faire passer de vie à trépas. Il a poussé sa félonie jusqu’à vouloir menacer la vie de sa majesté Seppun Yukihine. Par la Grâce des Kamis, la force de notre Devoir, la justesse de notre Honneur, nous avons déjoué cette ignominie et abattu le traitre ainsi que ses sinistres sbires.
Comment expliquer la folie de ce seigneur ? Cette question me taraude l’esprit. Il a à mon sens mal interprété les paroles de son père, confondant recherche de gloire et avidité dans la recherche d’un trésor chimérique, ne comprenant pas la sagesse des Ancêtres. En effet, ce qui contribue à la richesse d’une terre, ce sont les hommes qui l’habitent, y compris les simples paysans qui se doivent de perdurer afin de l’exploiter sous la régence du seigneur, lequel se doit d’avoir la sagesse de diriger de façon éclairée, en tenant compte des conseils avisés de ses ancêtres, ainsi que de leurs engagements. En faisant promettre aux villageois de ne jamais quitter leur terre, l’ancien Daimyo s’assurait de maintenir la richesse de ses terres, en exploitant la fertilité offerte par les Fortunes. On ne peut que se féliciter de la fidélité du doyen du village, qui a su préserver ainsi la mémoire et l’Honneur de l’ancien Daimyo, là où son fils a finalement échoué. Puissions-nous ne jamais oublier les enseignements que nous avons reçus, afin de ne jamais être tenté de nous écarter de notre Devoir.
J’espère avoir réussi à répondre honorablement à votre digne attente en écrivant ces lignes.
Puissent les Fortunes et les Kamis accompagner votre parcours, tandis que nous poursuivons le notre, continuant par là notre devoir envers votre grand dessein.
Votre dévoué serviteur, Tamori Fujihiro
Humble shugenja du clan du Dragon